31/12/2011

Roberto Succo, l'inspirateur (4)

4 - La pièce de théâtre de Bernard-Marie Koltès : Roberto Zucco

Roberto Zucco suivi de Tabataba - Coco
de Bernard-Marie Koltès
Parution : 30 Novembre 1999, Les Éditions de Minuit

Résumé de la pièce  

Roberto Zucco, dangereux criminel qui vient de tuer son père, s'évade le soir même de son arrestation. Débute alors une cavale jalonnée de meurtres, à commencer par celui de sa mère, et de rencontres dont la plus importante est celle de la Gamine, qu'il viole et qui, pourtant, s'éprend de lui. Mais Zucco l'abandonne car il s'enfuit toujours, qu’il traverse le quartier mal famé du Petit Chicago où il assassine un inspecteur ou qu’il se retrouve dans un square où, après une prise d'otages, il tue un jeune garçon. Pendant que les meurtres s'enchaînent, la Gamine entreprend tout ce qu'elle peut pour le revoir et n'hésite pas à le dénoncer à la police. Elle sera donc l'agent de la chute de Zucco et causera son arrestation. Mais une fois encore, à peine arrêté, Zucco s'évade puis disparaît, englouti dans une tempête solaire apocalyptique.

Roberto Zucco est la dernière œuvre de Bernard-Marie Koltès. Il l’écrit en 1988 alors qu’il se sait condamner par la maladie (Il mourra quelques mois après).
La pièce reprend les grands thèmes du parcours meurtrier de Succo, et les sublime par la poésie, l’empreinte du lyrisme et le réalisme froid caractéristique de la plume de l’auteur. La façon dont Koltès traite le fait divers s’éloigne de la réalité et lui donne même une dimension quasi surnaturelle.
Koltès fait de son personnage quelqu’un d’irresponsable incapable de déterminer ce qui le pousse à agir. Il n’est ainsi pas présenté comme un héros condamnable.
Contrairement au livre de Pascale Froment, au film de Cédric Kahn ou à la bande dessinée de Ilaria Trondoli, la pièce n’est donc pas une chronique réaliste de la vie de Roberto Succo. Koltès s’intéresse davantage à la légende qui s’attache au personnage. D’ailleurs il a transformé le nom de Succo en Zucco pour signifier que son personnage est l’homme qui zigzague hors de la réalité et rejoint le mythe.


La pièce a été montée pour la première fois en 1990 par Peter Stein, à Berlin, un an après la mort de Koltès.
En France, elle est créée en novembre 1991 par Bruno Boëglin dans une scénographie de Christian Fenouillat au TNP de Villeurbanne où elle est bien accueillie par le public.

"Je crois que Koltès n'a pas eu le temps de finir "Zucco". Il aurait sans doute revu cette pièce, il y a une sorte de désordre qu'il aurait ménagé. Elle a été écrite dans l'urgence, "juste avant de mourir", et par la voix de Zucco qui va mourir aussi, c'est souvent Koltès qui parle. Il y a un sentiment d'urgence très fort : il faut la jouer, disait-il, comme pris d'une formidable envie de pisser et par conséquent quitter la scène le plus vite possible."
Bruno Boëglin

La pièce de Boëglin entame ensuite une tournée française mais à Chambéry où ont été commis quatre des crimes de Succo, le scandale éclate et les représentations sont interdites. Un article du Monde daté du 9 janvier 1992, en fait l’historique :





Les mises en scènes se succèderont sans discontinuer, dans différents pays. Roberto Zucco restant à ce jour la pièce de Koltès la plus montée.

Bernard-Marie Koltès parle de Roberto Zucco

Extraits d’entretiens réunis dans Une part de ma vie, entretiens (1983-1989), Editions de Minuit. 2010, première publication : 1999 :


En février de cette année-là (1988 ), j'ai vu placardé dans le métro l'avis de recherche de l'assassin du policier. J'étais fasciné par la photo du visage. Quelque temps après je vois à la télévision le même garçon, qui, à peine emprisonné, s'échappait des mains des gardiens et défiait le monde… Alors je me suis très sérieusement intéressé à l’histoire. Son nom était Roberto Succo ; Il avait tué ses parents à l’âge de quinze ans, puis redevenu « raisonnable » jusqu’à vingt-cinq ans, brusquement il déraille une nouvelle fois, tue un policier, fait une cavale de plusieurs mois, avec prise d’otages, meurtres, disparitions dans la nature, sans que personne ne sache qui c’était exactement. Puis, après son spectacle sur les toits, il est enfermé à l'hôpital psychiatrique et se suicide de la même manière qu'il avait tué son père(...) Un trajet invraisemblable, un personnage mythique, un héros, comme Samson ou Goliath, monstres de force, finalement abattus par un caillou ou par une femme (...)
Entretien avec Colette Godard, Le Monde 28 septembre 1988


Dans vos pièces, on tue et on meurt.
Dans ma prochaine pièce, il y a encore davantage de morts.
De quoi s’agit-il ?
C’est la première fois que j’écris une pièce sur un destin réel : le destin de l’homme dont la photo se trouve au-dessus de mon bureau (…) Cet homme tuait sans aucune raison. Et c’est pour cela que, pour moi, c’est un héros. Il est tout à fait conforme à l’homme de notre siècle, peut-être même aussi à l’homme des siècles précédents. Il est le prototype même de l’homme qui tue sans raison. Et la manière dont il perpétue ses meurtres nous fait retrouver les grands mythes, comme par exemple le mythe de Samson et Dalila. Cet assassin qui est au centre de ma nouvelle pièce, a été trahi par une femme, comme Dalila qui coupa les cheveux de Samson, le privant ainsi de sa force.
Qu’est-ce qui vous intéresse dans les figures mythiques ?
Je dirai que, ce qui distingue un homme comme Samson du commun des mortels, ce n’est pas tant une quelconque mission, une quelconque tâche, c’est sa force extraordinaire et le regard admiratif que les autres portent sur lui ; c’est cela qui fait de lui un héros (…)
Vous sentez-vous proche de cet homme ?
Oui.
Dans votre dernière pièce vous vous inspirez d’une biographie réelle.
Je ne savais pas grand chose de cet homme, j’avais quatre articles de journaux. Je n’ai pas fait de recherches. Pour moi, c’est un mythe et cela doit rester un mythe.
Entretien avec Matthias Matussek et Nikolaus von Festenberg, Der Spiegel, 24 octobre 1988


« À 14 ans, Roberto a tué son père et sa mère, sans motivation. Il a été interné en hôpital psychiatrique, et il a été tellement sage qu’on l’a relâché. À 24 ans, ça a déraillé une nouvelle fois, et à nouveau il a tué, sans motif. Quand on l’a arrêté, il était dans la rue, des flics sont arrivés vers lui, ils ne pensaient même pas que c’était Roberto Succo, parce qu’il était en cavale. Ils lui ont dit : « Qui êtes-vous ? » et il a répondu : « Je suis un tueur, mon métier c’est de tuer les gens. » Il a fini par se suicider dans sa cellule de prison, en s’asphyxiant avec un sac en plastique – exactement comme il l’avait fait pour tuer son père. Succo a une trajectoire d’une pureté incroyable. Contrairement aux tueurs en puissance – et il y en a beaucoup –, il n’a pas de motivations répugnantes pour le meurtre, qui est chez lui un non-sens. Il suffit d’un petit déraillement, d’une chose qui est un peu comme l’épilepsie chez Dostoïevski : un petit déclenchement, et hop ! c’est fini. C’est ça qui me fascine. »
Entretien avec E. Klausner et B. Salino, L'Événement du Jeudi, janvier 1989 
























26/12/2011

Roberto Succo, l'inspirateur (3)

3 - La bande dessinée d'Ilaria Trondoli : Roberto Succo coupable d'être schizophrène



Ilaria Trondoli est née à Udine en Italie le 10 avril 1978. Cette fan de Hugo Pratt et plus particulièrement de Hermann est passionnée depuis toujours par l'image et la bande dessinée.
En 2008, elle écrit, dessine et colorise son troisième album : Roberto Succo, coupable d'être schizophrène. Cet ouvrage soutenu par le site tueurenserie.org est paru en 2008 aux éditions Emmanuel Proust dans la collection Atmosphères. Son auteur a reçu le Prix "Bulle d’Encre"2008 au Festival BD de la Bulle d’Or de Brignais. Le livre compte plus de 130 pages et contient en supplément un dossier tiré du site tueursensérie.org.
La personnalité du tueur est révélée par les recherches d’Ilaria Trondoli, originaire du Frioul tout comme Roberto Succo. Elle trouvera même une pièce à conviction inédite : la lettre manuscrite du tueur en série écrite en prison.
Ilaria Trondoli reconstitue – par chapitres datés et à rebrousse-poil – le drame. Elle le fait sans compassion ni condamnation mais essaie de comprendre son compatriote en avançant la thèse de la folie schizophrène.
De nombreuses questions sont également soulevées comme celle du pardon des familles en l’absence de procès ou encore le rôle de la société face à ce type de crimes.
   

Roberto Succo par Ilaria Trondoli  
(extraits d'une interview pour le site Sceneario.com lors du festival d'Angoulême 2011)

Au début je n'étais pas très inspirée par l'histoire d'un sérial killer. Je ne voyais pas comment traiter ce genre en BD. Et puis je me suis documentée. J'ai regardé le film et finalement l'histoire m'a beaucoup intéressée. Je me suis beaucoup documenté. Je suis aussi allée sur la tombe de Roberto où j'ai découvert qu'il y avait des fleurs. J'ai alors laissé un petit mot avec mon numéro de téléphone, en espérant que je ne tomberais pas sur un serial killer (rires). Il s'est avéré qu'il s'agissait d'une femme qui connaissait Roberto Succo. Elle avait récupéré des copies de lettres que Roberto écrivait à son psychologue, Domenico Franco. Elle avait suivi toute l'histoire. Nous nous sommes rencontrées et elle m'a parlé entre autre de la jeunesse de Roberto Succo. J'ai pu obtenir la photocopie d'une des lettres que j'ai intégrée dans l'album. 
J'ai fait volontairement le choix de mettre des couleurs généreuses en apposition avec la tension narrative. Ma maison d'édition était assez dubitative. Mais si on y réfléchit, on avait à faire à un personnage séduisant qui assassinait les gens dans des régions ensoleillées. Alors pourquoi ne pas garder des couleurs proche de la réalité. 
Quelque part je me demande comment un garçon de dix neuf ans peut commettre autant d'atrocités. Peut-être qu'il aurait dû être soigné plus tôt, peut-être que ses parents auraient pu faire quelques chose pour lui. D'après ce que j'ai compris sa mère était très sévère. Peut-être qu'il y aurait eu moyen de faire quelque chose ... mais on ne saura jamais.


Quelques vignettes extraites de la bande dessinée

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22/12/2011

Roberto Succo, l'inspirateur (2)

2 - Le film de Cédric Kahn : Roberto Succo




















Festival de Cannes 2001 – Sélection officielle
Sortie en salles : 16.05.2001
Acteurs : Stefano Cassetti (Kurt), Isild Le Besco (Léa), Patrick Dell’Isola (Thomas), Vincent Deneriaz (Denis), Aymeric Chauffert (Delaunay), Viviana Aliberti (L’institutrice suisse)
Mise en scène : Cédric Kahn
Scénariste : Cédric Kahn d’après le livre de Pascale Froment “Je te tue. Histoire vraie de Roberto Succo assassin sans raison”
Durée : 2h10
Synopsis : Ils dansent. Elle, c’est Léa, une lycéenne. Lui, il s’appelle Kurt. Il a un drôle d’accent et plusieurs voitures. Ils viennent de se rencontrer sur la Côte, à la fin des vacances. Et quand Léa rentre chez elle en Savoie, Kurt vient la voir régulièrement… Sur l’itinéraire Côte d’Azur/Savoie ont lieu des cambriolages en série, des agressions, des rapts de femmes, des meurtres incompréhensibles. Les gendarmes enquêtent, recoupent méthodiquement les faits qui les mènent sur la piste d’un dangereux criminel italien en cavale…


Voici ce que disait Cédric Kahn lors de la sortie de son film en 2001 :
"Quand j'ai découvert le livre de Pascale Froment "Je te tue, histoire vraie de Roberto Succo", je l'ai dévoré comme un roman d'Ellroy. J'étais captivé par le fait divers, j'avais envie d'essayer de comprendre. J'ai pensé immédiatement qu'il y avait là matière à faire un film à cause de tout ce que drainait le fait divers, la somme de travail que représente le livre de Pascale Froment, l'aspect millimétrique, la description de la violence uniquement par des faits. Elle a rencontré les familles des victimes, les gendarmes, les juges. Au fur et à mesure, son enquête fait boule-de-neige, implique de plus en plus de personnes. Le drame initial de Succo engendre toute une chaîne de malheurs. Le livre n'invente rien, ne fabrique aucune fiction. Pour moi, c'était comme un matériau brut. 
Je l’ai travaillé de manière très méthodique. Le livre est construit dans l'ordre de l'enquête. Au vu de la complexité des faits, on a tout de suite ressenti le besoin de faire une continuité chronologique de tous les évènements. On s'est retrouvé devant une matière trop foisonnante, de quoi faire six heures de film. On a procédé par élagages successifs, supprimé tout ce qui paraissait répétitif, faible ou trop complaisant. Pendant plusieurs versions, le scénario comportait deux scènes d'agression supplémentaires particulièrement violentes et gratuites. Dans un premier temps, par souci de ne pas édulcorer, je voulais les garder, mais comme elles n'apportaient aucun éclairage nouveau sur le personnage, j'ai finalement décidé de les enlever."

Le film de Cédric Kahn est l'adaptation du livre de Pascale Froment et est fidèle à son esprit : il a filmé la vie du tueur en série avec la rigueur d'une reconstitution judiciaire sans états d'âme ni émotion imposée.
  
"La psychologie n'est pas le lieu du cinéma, note le réalisateur. Un film doit donner à voir plus qu'expliquer. En tant que spectateur, je n'ai pas envie qu'on m'explique ce que je dois penser des personnages. Intellectuellement, ma place est du côté des victimes, répond-il. Mais les films échappent à la pensée. Celui-ci ne raconte pas la vie d'une victime et j'en assume toutes les ambiguïtés. Non, je n'aime pas Succo. Mais je ne le déteste pas non plus. J'ai fait tout le film contre cette dialectique-là : monstre ou héros romantique. Ni l'un ni l'autre ne m'intéressent et je ne crois ni en l'un ni en l'autre. Je ne voulais pas héroïser Succo. Par conviction, bien sûr, mais également par respect pour les victimes. Je voulais éviter deux écueils : faire de Succo une victime de la société ou, à l'inverse, un monstre sanguinaire ; ce qui était pour moi deux manières d'en faire un héros. Je voulais rester dans une vision objective des choses, m'en tenir aux faits et faire le constat de la folie. Mais la fiction n'est pas objective. Dans un film, on peut faire aimer la pire des crapules. Il fallait donc être très vigilant.
Je crois que le film se situe entre la biographie, le film d'amour, le polar et le documentaire. J'ai voulu résister à la tentation de faire du spectaculaire. Je ne voulais pas perdre la notion de la réalité. J'ai fait quelques jours d'enquête chez des gendarmes pour bien comprendre leur travail. J'avais la volonté de coller le plus possible aux témoignages, de travailler les dialogues sur la base des procès-verbaux. Dans l'ensemble, je me suis autorisé très peu d'extrapolation."


 Présenté à Cannes en 2001, Roberto Succo enthousiasma la critique.

Le Parisien du 15/05/2001 : 
"(...) C'était hier au tour de Cédric Kahn d'entrer dans l'arène. Le réalisateur de « l'Ennui » y présentait son quatrième long-métrage, « Roberto Succo », tiré d'événements réels qui se sont déroulés en 1986. Aux côtés d'Isild Le Besco et Patrick Dell'Isola, un inconnu, Stefano Cassetti incarne ce parricide échappé d'un asile, meurtrier de policiers, qui a semé pendant un mois la violence et la mort sur la côte, en Savoie puis en Suisse. Avant d'être adaptée à l'écran, cette histoire avait donné lieu à un livre, « Je te tue », de Pascale Froment (Ed. Gallimard) et surtout à une pièce mise en scène par Bernard Marie Koltès, « Roberto Zucco », créée en janvier 1992 et qui a défrayé la chronique. Les familles des victimes craignaient en effet qu'un tel spectacle tourne à l'hommage. (...) Cédric Kahn, dont le film ne transforme pas Succo en héros, a reçu le soutien de la veuve d'une des victimes. Après avoir vu le film, elle a fait savoir aux gendarmes et aux policiers qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une apologie du meurtrier. Film d'action classique constamment placé sous tension, « Roberto Succo » a tous les atouts pour être un succès. Il est porté d'un bout à l'autre par un formidable Italien de 26 ans, Stefano Cassetti, devenu acteur sans le vouloir vraiment. En vacances pour quatre jours en France, il se trouvait dans un restaurant parisien quand un ami de la directrice de casting du film racontait comment Cédric Kahn cherchait un Italien parlant mal le français. (...) Cassetti est plus que convaincant, il est ardent. C'est une pure « gueule » d'acteur. Avec Cédric Kahn, la sélection française marque donc un deuxième point. Et même si « la Répétition » et « Roberto Succo » n'ont pas forcément l'ampleur d'une Palme d'or, ils ont chacun à leur façon de quoi plaire. Ce que le grand public va vite confirmer pour « Roberto Succo » puisque le film sort dès demain sur les écrans."


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17/12/2011

Roberto Succo, l’inspirateur (1)

La trajectoire de Roberto Succo a fasciné et fascine encore. Cette fascination est due à la présence d’éléments qui additionnés, ont concouru à marquer les esprits :  sa folle cavale, son côté insaisissable, son mélange de folie et de beauté, son insolence de psychopathe et sa mort pathétique la tête asphyxiée dans un sac en plastique.
C’est sans doute aussi la raison pour laquelle l’histoire de Roberto Succo, depuis sa mort, a inspiré le cinéma, la littérature et le théâtre.

1 - Le livre-enquête de Pascale Froment : « Je te tue, histoire vraie de Roberto Succo assassin sans raison »

Après deux ans d’une enquête minutieuse, la journaliste Pascale Froment publie en 1991 son roman « Je te tue, histoire vraie de Roberto Succo assassin sans raison » réédité en 2001 (lors de la sortie du film de Cédric Kahn).


Le roman retrace la vie du tueur en série dans les moindres détails mais de façon non chronologique.   
Le début décrit l’arrivée du tueur à Toulon, son premier meurtre et l’enquête très détaillée qui s’en est suivi. La suite décrit les pérégrinations de Succo dans la région d'Annecy où il va commettre des cambriolages, des agressions, des enlèvements et des meurtres. Le récit s'arrête ensuite longuement sur "Sabrina" qui fut la petite amie de Succo pendant presque 2 ans et sur son témoignage qui permettra de donner un tour nouveau à l’enquête en permettant d’identifier le tueur. Puis Pascale Froment revient sur les origines de Roberto Succo, son histoire familiale et notamment sur les relations avec sa mère qui permettent de mieux cerner sa personnalité. Elle s’attarde aussi sur le meurtre de ses parents, son séjour en hôpital psychiatrique et son évasion. Elle termine enfin par son arrestation finale en Italie et son suicide en prison.


Ce roman est un véritable livre-enquête. Pascale Froment a mené en effet un travail d’investigation en recoupant toutes les informations d’époque disponibles (témoignages, archives…) pour retracer le plus fidèlement possible les faits divers liés à Succo. 

Le film "Roberto Succo" que Cédric Kahn tournera en 2001, est l'adaptation de ce livre.


                                                     
Passage audio extrait du documentaire réalisé par Jean-Pierre Devillers « Faites-entrer l’accusé :  Succo le fou », dans lequel Pascale Froment parle du tueur italien.

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10/12/2011

Biographie de Roberto Succo (7)

7ème partie : En prison (février-mai 1988)
Succo est enfermé dans la prison de Trévise, prison provinciale pour petits délinquants, où il est placé en isolement dès son arrivée. 
Le lendemain, alors qu’il effectue la promenade quotidienne dans la cour, il fausse compagnie à ses gardiens, escalade le mur et se retrouve sur le toit de la prison. 

Là, Succo crie des injures envers les policiers dont les fusils sont pourtant pointés sur lui mais l’homme les défie quand même : "Allez-y, tirez-moi dessus !" 
Pendant une heure, il injurie également les journalistes venus en nombre, leur hurlant : "Je vous tue tous !"  Puis il leur crie en français : "Dites à Sabrina qu’elle m’a trahi ! Tu m’as trahi, Tu es une putain !" 
Il récite également un extrait de Stendhal : "Souvent femme varie, bien fol qui s’y fie", délire pendant une heure sur ses exploits et soudain se déshabille.
 
Il montre ses muscles et s'énerve : "Si j’avais su, je ne serais pas revenu en Italie. Je ne peux pas rester en prison. Les oiseaux meurent en prison et je suis un oiseau." 
Puis, il commence à lancer des tuiles sur les passants et les automobiles. 
Un journaliste qui a assisté à la scène dira : « J’ai vu un animal qui cherchait la liberté dans sa folie et qui ne pouvait pas se laisser enfermer. »
Au bout d’un moment, Succo est bien obligé de redescendre mais il le fait à sa manière, avec panache. Des fils électriques relient les bâtiments. Il monte sur un fil tel un équilibriste, fait deux pas, tombe mais se rattrape en s’agrippant avec les mains et avec les pieds. Il avance mais fait une chute de cinq mètres et disparaît aux yeux des journalistes qui le croient mort.
 
Transporté à l’hôpital de Trévise, il n’aura finalement que trois côtes cassées et une luxation à l’épaule. 
Il est ensuite transféré dans une prison plus sûre à Livourne. 

Succo est donc entre les mains de la police italienne mais ses crimes, il les a commis en France. Le juge Bernard, en charge de l’enquête à Toulon, reçoit l’autorisation de l’interroger à la maison d’arrêt de Livourne. Là, Succo lui dit qu’il ne sera jamais jugé en France et qu’il sera déclaré irresponsable. 
Et de fait, le 9 mai 1988, 9 ans après le meurtre de ses parents,  Succo, que l'Italie refuse d'expatrier en France, est une nouvelle fois déclaré irresponsable par les psychiatres. Il est diagnostiqué « schizophrène paranoïde », profondément  atteint et extrêmement dangereux. Il doit donc retourner à l’asile psychiatrique. 

 


 Mais le 23 mai 1988 dans une cellule de haute sécurité du pénitencier de Vicence, il se suicide. 
On le retrouve sur son lit, la tête enveloppé dans un sac plastique dans lequel il avait ouvert une cartouche de camping gaz.






 

Dans l’une de ses dernières lettres écrites depuis sa prison italienne, Succo écrivait cela : « Quand ils vous diront que je serai mort, n’ayez pas trop de chagrin, je serai en train d’écouter le chant des oiseaux. »












03/12/2011

Biographie de Roberto Succo (6)

6ème partie : L’arrestation (février 1988)

Interpol diffuse dans toute l’Europe, l’avis de recherche d’André le tueur fou. Des témoins comme Jean-Marie Ribère le reconnaissent. 










Dix jours après le meurtre de l’inspecteur Morandin,  une jeune fille de 16 ans, Sabrina, se présente au commissariat d’Aix-les-Bains. Sur l’avis de recherche, elle a reconnu son petit ami qu’elle avait connu à Toulon en août 1986. Celui-ci venait la rejoindre tous les vendredis. 
Pour elle, il ne s’appelle pas André mais Kurt. Elle a rompu avec lui il y a quelques semaines seulement. Elle dit qu’elle avait peur de ce jeune homme qui venait la chercher à chaque fois avec des voitures différentes, de cet amoureux qui se disait agent secret et qui l’emmenait dans des granges isolées pour s’exercer au tir. En les inspectant, les policiers découvrent qu'une de ces granges était celle dans laquelle on a retrouvé le cadavre du docteur Astoul. 

Sabrina raconte que Kurt aimait beaucoup la région d’Annecy et squattait des résidences secondaires. 
Une fois, Kurt lui a confié qu’il était italien, qu’il avait tué ses parents et que son père était policier dans la région de Venise mais avait tout de suite ajouté qu'il plaisantait.
Les policiers italiens cherchent dans leurs fichiers et trouvent un profil qui correspond et dont ils n’ont pas de nouvelles depuis deux ans. Il s’appelle Roberto Succo. Immédiatement, un mandat d’arrêt international est lancé. 
Pendant ce temps-là, Succo, qui se sait rechercher par la police française, est retourné en Vénétie. 
Dans les ruelles de Venise, il fait la connaissance d'une très jolie lycéenne, Francesca. Mais la RAI diffuse le portrait du tueur dans l'une de ses éditions quotidiennes et les parents de la jeune Francesca reconnaissent le petit ami de leur fille. Aussitôt, ils préviennent la police qui place des hommes en faction devant la maison. Le jeune homme n'ignore pas qu'il est désormais aussi recherché par la police italienne, mais le 28 février 1988 vers 21H30, il est appréhendé par les Carabiniers alors qu'il tente de revoir Francesca une nouvelle fois. Lorsqu’il aperçoit les policiers, il veut se précipiter dans sa voiture pour prendre son arme. Mais ils ne lui en laissent pas le temps. 


Sa première déclaration aux policiers italiens est : « Je ne suis pas Roberto Succo ! » puis « Vous avez eu de la chance ; si j’avais eu mon arme sur moi, je vous aurai tous tué ! » et enfin « Ne me faites pas de mal ; pour moi c’est fini ! ». Lorsque les policiers lui demandent sa profession il répond « Killer, Je suis un tueur. »

Le commissaire de la police judiciaire de Trévise témoigne : « C’était une bête sauvage, féroce et blessée dans son orgueil avec un regard fixe, fascinant, vitreux, pénétrant et des yeux comme une mitraillette. » 

Pendant l’interrogatoire informel sans prise de notes et destiné à calmer le jeune homme, ce dernier parle pendant des heures et dit au commissaire qu’après son évasion de l’hôpital psychiatrique, il a pris le train et est arrivé à Toulon. Là, il a travaillé au noir, fait divers petits boulots et commis quelques vols et plusieurs cambriolages. Il se vante aussi d’avoir violé des femmes et d’avoir tué 6 personnes. Il raconte cela comme s’il était un personnage exceptionnel.
Il dit aussi qu’il a vécu plusieurs semaines avec une femme très belle mais qui a tenté de s’enfuir alors il l’a poignardée et a jeté son corps dans la mer près de Nice. Les policiers français penseront que c’est France Vu-Dinh qui n’a jamais été retrouvée. 
Il raconte encore qu’il a tué le policier Castillo parce qu’il était venu lui demander des papiers alors qu’il dormait dans sa voiture.
Il retrace son parcours avec exaltation puis parfois semble effondré. Pour le commissaire, ce garçon était "un volcan en éruption avec parfois des instants de lucidité dans lesquels il arrivait à considérer qui il était et se faisait peur à lui-même."
Cet interrogatoire informel constituera les uniques aveux de Roberto Succo car le lendemain devant le substitut du procureur, il se rétracte et se présente comme "André", un Français qui n’a rien à voir avec tout cela. 
En sortant de l'hôtel de police escorté par des policiers, il regarde les journalistes en souriant et leur lance avec un culot monstre un "Salut les gars!..." 










Un journaliste du Corriera Della Sera dit de lui qu'il avait quelque chose de démoniaque mais avait un certain charme, un pouvoir sur les gens : 
"Ce beau garçon si sûr de lui avait un charme noir."