27/01/2018

C'est quoi le Small Talk ?



Justine, personnage principale de la pièce de Carole Fréchette, est une jeune femme qui a du mal à communiquer avec ses contemporains. Alors elle décide de se prendre en main et de s'initier au small talk.

Le small talk, c'est cette conversation anodine que l’on entame dans toutes sortes de circonstances et qui permet d’entrer en relation avec des personnes inconnues ou peu connues.

Avez-vous remarqué cette faculté qu’ont la plupart des Anglais et des Américains de parler à tout moment et en particulier avec de parfaits inconnus?

Au premier abord, on se dit qu’il s’agit-là d’une qualité, d’une marque de civilité, que nous Français sommes plus ou moins dépourvus et dont nous avons du mal à saisir l’utilité. Pourquoi parler avec sa voisine de bus? Ou avec son voisin de file d’attente? Ou pire, avec la caissière de Carrefour Market? Ça servirait à quoi? On ne les reverra plus jamais. C’est justement parce que la rencontre est furtive que l’Anglais ou l'Américain devient «civil».

Le hic, selon Susan Cain, conférencière américaine, c'est que la tendance actuelle est de favoriser la communication à tout prix. On observe ce phénomène dans les milieux de travail, où les espaces ouverts et les réunions à la file sont devenus la norme, mais aussi dans les écoles, où on incite de plus en plus les enfants à travailler en équipe. Après la publication de son essai Quiet, l'avocate a d'ailleurs reçu des centaines de lettres de lecteurs à ce sujet. Les gens lui confiaient à quel point ils devaient renoncer à être réellement eux-mêmes et faire des efforts pour se conformer à leur environnement.

Josée, une Franco-Canadienne dans la quarantaine, qui travaille à la maison comme traductrice, rédactrice et réviseure, se sent comme un poisson hors de l'eau lorsqu'elle évolue en société. Il y a quelques années, elle s'est toutefois forcée à participer à des soirées de réseautage afin de tisser de nouvelles relations d'affaires. «Je m'obligeais à y aller mais, honnêtement, je détestais ça.
Josée se rappelle entre autres à quel point il lui était difficile de prendre part aux discussions, soit parce qu'on ne lui en laissait pas la chance, soit parce qu'elle n'arrivait simplement pas à trouver les mots pour s'exprimer.

«Les introvertis ont besoin de temps pour réfléchir. Ils sont incapables de spontanéité, à moins qu'il s'agisse d'un sujet qu'ils connaissent parfaitement», affirme Marti Olsen Laney. Selon cette psychanalyste, ce phénomène s'explique en partie par le fait qu'ils utilisent davantage leur mémoire à long terme pour communiquer, ce qui prend plus de temps, surtout s'ils sont anxieux. Pour cette raison, ils sont parfois perçus comme étant lents, voire moins intelligents, en comparaison des gens plus expansifs qui parviennent facilement à captiver leur auditoire, même si leurs propos sont superficiels.

Susan Cain croit que le monde devrait cesser de tourner autour du nombril des extravertis.
Pire encore. L'essayiste croit qu'il y a un vrai danger à ce qu'on laisse toute la place à ceux et celles qui parlent le plus fort. La raison? Contrairement aux introvertis, qui ont le tournis lorsqu'ils sont trop stimulés, les extravertis sont avides de sensations fortes. «Ils sont plus enclins à passer à l'action, à aimer les défis et le risque, concède l'avocate. Par contre, ils ne perçoivent pas toujours les signes de danger et sont ainsi plus susceptibles d'accumuler des dettes financières, d'être corrompus ou infidèles...» Dans son essai Quiet, Susan Cain fait d'ailleurs un lien étonnant entre la crise économique passée et la survalorisation des extravertis. Selon elle, ces derniers ont envahi Wall Street et ont pris des risques inconsidérés qui ont causé les débâcles des dernières années...

La psychothérapeute mexicaine Marina Casteñeda s'inquiète également des dérives de notre société, qui cultive des valeurs extraverties. «Contrairement au 19e siècle, où il était considéré de mauvais goût de parler de soi, il existe aujourd'hui un impératif absolu à se raconter et même à dire tout ce qui nous passe par la tête, sans prendre le temps de réfléchir. La démocratie, c'est le droit de chacun d'être entendu... Mais les gens semblent désormais trop occupés à exprimer leurs idées pour prendre le temps d'entendre les autres», déplore-t-elle. Dans son essai Écouter, elle explique qu'il importe de réapprendre à user d'écoute, une faculté humaine fondamentale.

Susan Cain est aussi d'avis qu'il faut réhabiliter des valeurs propres aux gens plus discrets, comme la prudence et la réflexion. «Les introvertis et les extravertis sont des tempéraments complémentaires», rappelle-t-elle. Et ce n'est qu'en bénéficiant des richesses de chacun qu'on pourra construire un monde meilleur.






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