Le small talk recouvre
en anglais cet échange des petits riens, ces aimables amorces qui
mettent le feu à la conversation. Certains ont
le small talk facile mais
pas Justine, l’héroïne de Carole Fréchette. Elle n’est
pas timide, mais, en un mot comme en cent, elle ne sait pas broder.
Or
la société s’accommode mal du silence et de la pause. La société
du spectacle glose sur tout : on s’épand à la télé, on
débat dans les colloques, on prend la parole en politique, on
déblatère sur le zinc, on twitte, on poste, on commente. Si l’on
regarde de plus près, il n’y a peut-être plus qu’au théâtre
que le silence puisse paradoxalement être encore entendu.
L’auteure
confie avoir mis dans la jeune fille beaucoup d’elle. Justine est
l’antihéros de la société du commerce et de la joie, une
taiseuse qui crie sa difficulté d’être au monde. Un lot humain
bien mieux partagé qu’on ne croit.
Dans
ce montage dramatique au rythme cinématographique, on croisera
Justine et sa mère aphasique, un père taciturne, un frère
présentateur de télé logorrhéique, une belle sœur
particulièrement extravertie, une chorale foutraque, une pléthore
de pipelettes, ainsi qu'un homme blessé que le destin mettra
sur la route de la jeune fille...
Tout
et chacun y apparaît irrémédiablement solitaire. Car
c’est de solitude dont cette pièce parle mais elle l’aborde sous
la forme du paradoxe. Comment est-il possible d’être seul dans une
société où l’on peut se connecter à de multiples réseaux,
appartenir à des groupes et exposer sa vie dans des shows de
télé-réalité.
Mais l’originalité de la pièce de Carole
Fréchette ne réside pas simplement dans la description réussie
d’une société malade de ses liens ; elle montre aussi
comment ces difficultés se répercutent au sein même de la famille
et des relations que ses membres entretiennent entre eux dans une
écriture théâtrale où se mêlent drame et rire, désespoir et
humour, amour et haine et où l'émotion est constamment présente.
Carole Fréchette parle de "Small Talk"
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