Vous dîtes avoir écrit cette pièce en pensant à un acteur en particulier.
Au vu des personnages, on se demande de quel type d’homme il s’agissait ?
Rémi de Vos : Je l’ai écrite il y a cinq ans. C’était pour
Gilles Blaise, un acteur fidèle d’Hervé Guilloteaux, un comédien qui me
touchait et qui avait au fond de lui cette radicalité et cette violence que
j’ai données au personnage masculin. Malheureusement, le texte a eu trop
de résonances en lui. Il se jetait sur scène chaque soir comme un matador, ce
qui empêchait la dimension comique du texte de se développer. Si bien que le
spectacle a dû s’arrêter au bout de dix jours, faute de spectateurs.
Le texte a-t-il ensuite suivi une belle trajectoire ?
R.V. : C’est un texte écrit pour les acteurs et je
reçois beaucoup de demandes d’autorisation de mise en scène. Je refuse parfois,
notamment quand les comédiens sont trop jeunes. Mais le texte a été beaucoup
monté et sous des formes très différentes. Au Japon, par exemple, j’en ai vu
une lecture très formelle, avec un rituel de combat de mots, où les acteurs
n’élevaient jamais le ton. En Italie à l’inverse, le couple était affreux,
sale et méchant et entamait une crise conjugale à l’italienne.
Vers quelle forme va votre préférence ?
R.V. : Vers la japonaise, sans hésitation.
D’ailleurs, la mise en scène de Dag Jeanneret que j’ai eu la chance de
découvrir penche plutôt dans ce sens. Il y a des intermèdes de Vivaldi et des
acteurs qui ne se touchent jamais. Les deux comédiens sont extraordinaires
parce qu’ils portent en même temps le tragique et le comique des
personnages. Ils ont eu, je crois, une intuition immédiate du texte.
Tenez-vous particulièrement à la dimension comique du texte ?
R.V. : J’ai écrit cette pièce très rapidement, dans
une phase plutôt sombre de ma vie. De toutes celles que j’ai écrites, c’est
peut-être celle où j’ai mis le plus de moi. Et pour rendre cette part de moi
enfouie visible et audible, cela nécessitait un rire de libération. Mais quand
j’écris, le comique, je ne le travaille pas. Il vient comme ça, je ne peux
pas m’empêcher. C’est un moyen, en fait, de se débarrasser de quelque chose qui
n’est pas drôle.
Le titre Occident et le racisme ordinaire du personnage masculin laissent-ils supposer que le texte porte une dimension politique ?
R.V. : Non, il n’y a pas de part politique dans ce
texte. Le titre m’intéressait plus phonétiquement qu’autre chose. Même si je
trouve qu’il y a dans cette détestation et cette noirceur des personnages
- je me trompe peut-être – quelque chose de purement occidental. Pour
reprendre une phrase d’Hubert Selby Junior, j’ai écrit ce texte en pensant
« à ceux qui savent et se taisent ».
BIBLIOGRAPHIE :
Cassé,
Actes-Sud Papiers, 2012
Madame, suivi de Projection privée et de L’intérimaire,
Actes-Sud Papiers, 2011
Le ravissement d’Adèle, Actes-Sud Papiers, 2010
Sextett suivi de Conviction intime, Actes-Sud Papiers, 2009
Débrayage, suivi de Beyrouth Hotel, Actes-Sud Papiers, 2008
Ma petite jeune fille, Actes-Sud Papiers, 2007
Alpenstock, suivi de Occident, Actes-Sud Papiers, 2006
Justin prend du spectrum, Editions de l’Amandier, 2006
Laisse-moi te dire une chose, Actes-Sud Papiers, 2005
Pleine lune, suivi de Jusqu'à ce que la mort nous sépare,
Actes-Sud Papiers, 2004
Qu'est-ce vous faites, Éditions Crater, 2002
La Camoufle, Éditions Crater, 2000
Conviction intime, Éditions Crater, 1999
Projection privée, Éditions Crater, 1998
Le Brognet, Éditions Crater, 1997
André le Magnifique, Éditions Archimbaud, 1996
Débrayage, Édition Crater, 1996
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