BOXON(S)
JUSQU’À N’EN PLUS POUVOIR est une pièce écrite par
Stéphane Jaubertie (éditée aux Éditions théâtrales) et créée
en complicité avec la troupe du Petit Théâtre de pain.
Le
Petit Théâtre de Pain, installé depuis 1994 à Louhossoa au Pays
basque, réinvente un théâtre populaire, vivant et métissé. Les
choix artistiques se font de manière collective… Depuis une
dizaine d’années, ils écrivent en collaboration avec des
auteurs qui prennent part au processus de création dès son
lancement, rendant d’autant plus vivant et sensible le propos
de leurs spectacles.
En
collaboration avec les acteurs, l'auteur Stéphane Jaubertie décline
dans Boxon (s) les différentes formes du pouvoir qui nous gouverne
et taille un texte ciselé au plus près de ce qu’ils ont baptisé
« notre servitude participative ».
Genèse
Nous
voulions parler du Pouvoir. Incarner l’hydre qui nous gouverne : le
politique, le financier, les grands groupes. Nous voulions comprendre
ce qui anime la jouissance d’un homme d’agir sur le destin commun
mais c’est le destin commun qui nous a rattrapés. Le “commun”
même, et c’est l’obéissance, qui s’est invitée sur la scène
de nos interrogations. Jusqu’où et comment pouvons nous accepter
l’inacceptable ? Quel rôle ? Quelle place se donne-t-on ? Nous
donne-t-on ? Qu’accepte-t-on de jouer dans un groupe, un couple, la
famille, la société, l’entreprise ? Parfois contre notre propre
nature et nos propres valeurs. Qu’est ce qu’on est prêt à
offrir de soi qui peut se retourner contre soi ? Pourquoi ne se
rebelle-t-on pas ?
Le
Propos
BOXON(s)
- Jusqu’à n’en plus Pouvoir est une pièce chorale. Parce que
nous sommes des femmes et des hommes sensibles, quadragénaires et
parents. Unis, décomposés, recomposés, isolés. Actifs puis non
actifs puis actifs de nouveau. Citoyens concernés, emportés,
empotés, déçus, ballottés, enragés. Parce que nous avons à
exprimer quelque chose de ce flirt constant entre le glissement de
terrain vers la résignation et l’envie cyclique et impulsive d’en
découdre, “BOXON(s) Jusqu’à n’en plus Pouvoir” sera
l’intitulé de notre nouvelle création. Le ring, notre espace de
jeu. Stéphane Jaubertie, en collaboration étroite avec les acteurs
au plateau, tient le scalpel de l’écriture. Dans la pièce, la vie
s’y présente comme une succession de rounds au cours desquels les
individus reçoivent davantage de coups qu’ils n’en donnent.
Cependant, tant dans la sphère intime que dans la sphère de
l’entreprise et à tous les échelons du pouvoir, par contamination
ultralibérale ou “servitude participative”, les coups bas
fusent, les perfidies sont légion… Tout cela aux dépens de
l’estime de soi et du bien-être de chacun. Alors que la société
nous commande d’aller à l’encontre de notre humanité profonde
et de devenir le bourreau de l’autre, la pièce interroge notre
capacité à accepter l’inacceptable. Avec un humour glaçant,
l’étrange et le familier s’y partagent les rounds où les
questions d’identité et de quête de sens se renvoient dans les
cordes.
Comme
la moitié de mes pièces, Boxon(s) jusqu’à n’en plus pouvoir
est le fruit d’une commande d’écriture. Cette fois sur le thème
du pouvoir. Comme à chaque fois, il me faut en faire une commande
intérieure. Si je n’en vois pas la nécessité, je décline, et je
pars sur une autre aventure. Là, j’avais très envie de travailler
avec cette équipe du Petit Théâtre de Pain. D’autant que la
proposition de la troupe, construire la pièce en interaction avec
eux, était nouvelle pour moi. En juin 2016, je suis arrivé aux
premières séances collectives de travail avec pas mal de matière
écrite – scènes plus ou moins abouties, réalistes ou
allégoriques, trames, parcours de personnages… – qui ne
répondait qu’en partie à leurs attentes. Comme je souhaitais
partir aussi de leurs désirs et de leurs réactions, je leur ai
proposé de travailler sur la représentation du pouvoir, et plus
précisément de jouer autour de la question : pourquoi accepter
l’inacceptable ?, et d’y répondre sous forme d’improvisations
à partir de situations précises ou, au contraire, très ouvertes et
inventées par eux. J’ai pris beaucoup de notes et, riche de cette
matière textuelle, j’ai commencé à sélectionner, développer,
ordonner ce qui me paraissait le plus évident et le plus inattendu
pour en faire théâtre, le tout mêlé à des parties déjà
proposées au tout début de notre collaboration. Une matière brute
qui, en la sculptant, laissait deviner des liens à tisser entre des
destins au départ isolés les uns des autres, des personnages qui se
débattent, pris dans l’engrenage du travail, de la famille, du
couple… Des histoires ont alors commencé à apparaître, en même
temps qu’une forme, un mouvement général, toujours tendu vers
l’avant, une sorte de piège rythmique qui entraîne les
protagonistes toujours plus loin et plus profond dans les filets de
la servitude participative. Finalement, l’œuvre sera constituée
de 36 scènes, réparties en sept mouvements, avec 36 personnages,
qu’interpréteront les neuf comédiens de la troupe. Écrire pour
autant d’acteurs, c’est un privilège rare aujourd’hui, qui
offre au dramaturge beaucoup de possibilités ! Boxon(s) est le
fruit de celles-ci.
Boxon(s)
par Fafiole Palassio (metteuse en scène)
Juillet
2017. Première lecture. Première découverte. Boxon(s) jusqu’à
n’en plus pouvoir de Stéphane Jaubertie. Pièce en sept
« mouvements ». « Mouvements » ? Déjà un indice de
départ… À l’intérieur de ces mouvements, des scènes : nos
impros récrites et les premiers jets de Stéphane, retouchés, comme
des fragments. Sans liens apparents. Du moins pas tout de suite.
D’emblée on sent qu’il y a à faire avec le rythme, la syncope,
la rupture. Comment est-ce qu’on monte ça ? Chaque scène plante
une situation dont on saisit l’action en cours. Pas d’exposition,
pas de préalable. Mieux que des fragments : des rounds. Il va
falloir tomber dedans comme on grimpe sur le ring, déjà chaud.
Assez vite pourtant, les vignettes se construisent en plusieurs
trajectoires. Combats ordinaires qui feront sens dans le grand ballet
de nos « servitudes participatives », thématique centrale de
nos recherches et de cette écriture. En une série de situations où
l’emploi se pose comme condition inéluctable au bonheur, Boxon(s)
sonde l’acceptation de l’inacceptable. Pièce chorale, rythmique,
physique, elle s’agence telle une fuite en avant, précipitant les
personnages dans leur quête de reconnaissance et l’oubli de soi,
et les acteurs dans une course solidaire pour le passage de témoin
de l’un à l’autre de ces fragments. Car on ne peut que faire
groupe pour porter tout à la fois les individualités qui se
racontent et ce mouvement d’ensemble implacable, cruel et drôle.
Formidable mécanique, l’ensemble des dialogues attrape les acteurs
par sa vivacité et ses tournures polysémiques. Vrillant parfois les
situations jusqu’à l’absurde, on se surprend à rire. Malgré
nous. On rit de cet humour inattendu, au pire moment qui soit, quand
l’insolite vient percuter le drame courant. Sous le vernis de la
langue, notre réalité sociale s’écrit au vitriol, jusqu’au
climax d’une métaphore centrale, essentielle, libératrice –
celle de la crevette suicidaire – qui vient à point nommé
confirmer notre interrogation lancinante, dépassant même le texte
en ce jour de première lecture : « Jusqu’où cela peut-il
aller ? »
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