22/12/2019

BOXON(S) JUSQU’À N’EN PLUS POUVOIR


BOXON(S) JUSQU’À N’EN PLUS POUVOIR est une pièce écrite par Stéphane Jaubertie (éditée aux Éditions théâtrales) et créée en complicité avec la troupe du Petit Théâtre de pain.





Le Petit Théâtre de Pain, installé depuis 1994 à Louhossoa au Pays basque, réinvente un théâtre populaire, vivant et métissé. Les choix artistiques se font de manière collective… Depuis une dizaine d’années, ils écrivent en collaboration avec des auteurs qui prennent part au processus de création dès son lancement, rendant d’autant plus vivant et sensible le propos de leurs spectacles.

En collaboration avec les acteurs, l'auteur Stéphane Jaubertie décline dans Boxon (s) les différentes formes du pouvoir qui nous gouverne et taille un texte ciselé au plus près de ce qu’ils ont baptisé « notre servitude participative ».


Boxon(s) par le PTDP

Genèse
Nous voulions parler du Pouvoir. Incarner l’hydre qui nous gouverne : le politique, le financier, les grands groupes. Nous voulions comprendre ce qui anime la jouissance d’un homme d’agir sur le destin commun mais c’est le destin commun qui nous a rattrapés. Le “commun” même, et c’est l’obéissance, qui s’est invitée sur la scène de nos interrogations. Jusqu’où et comment pouvons nous accepter l’inacceptable ? Quel rôle ? Quelle place se donne-t-on ? Nous donne-t-on ? Qu’accepte-t-on de jouer dans un groupe, un couple, la famille, la société, l’entreprise ? Parfois contre notre propre nature et nos propres valeurs. Qu’est ce qu’on est prêt à offrir de soi qui peut se retourner contre soi ? Pourquoi ne se rebelle-t-on pas ?

Le Propos
BOXON(s) - Jusqu’à n’en plus Pouvoir est une pièce chorale. Parce que nous sommes des femmes et des hommes sensibles, quadragénaires et parents. Unis, décomposés, recomposés, isolés. Actifs puis non actifs puis actifs de nouveau. Citoyens concernés, emportés, empotés, déçus, ballottés, enragés. Parce que nous avons à exprimer quelque chose de ce flirt constant entre le glissement de terrain vers la résignation et l’envie cyclique et impulsive d’en découdre, “BOXON(s) Jusqu’à n’en plus Pouvoir” sera l’intitulé de notre nouvelle création. Le ring, notre espace de jeu. Stéphane Jaubertie, en collaboration étroite avec les acteurs au plateau, tient le scalpel de l’écriture. Dans la pièce, la vie s’y présente comme une succession de rounds au cours desquels les individus reçoivent davantage de coups qu’ils n’en donnent. Cependant, tant dans la sphère intime que dans la sphère de l’entreprise et à tous les échelons du pouvoir, par contamination ultralibérale ou “servitude participative”, les coups bas fusent, les perfidies sont légion… Tout cela aux dépens de l’estime de soi et du bien-être de chacun. Alors que la société nous commande d’aller à l’encontre de notre humanité profonde et de devenir le bourreau de l’autre, la pièce interroge notre capacité à accepter l’inacceptable. Avec un humour glaçant, l’étrange et le familier s’y partagent les rounds où les questions d’identité et de quête de sens se renvoient dans les cordes.


Boxon(s) par Stéphane Jaubertie

Comme la moitié de mes pièces, Boxon(s) jusqu’à n’en plus pouvoir est le fruit d’une commande d’écriture. Cette fois sur le thème du pouvoir. Comme à chaque fois, il me faut en faire une commande intérieure. Si je n’en vois pas la nécessité, je décline, et je pars sur une autre aventure. Là, j’avais très envie de travailler avec cette équipe du Petit Théâtre de Pain. D’autant que la proposition de la troupe, construire la pièce en interaction avec eux, était nouvelle pour moi. En juin 2016, je suis arrivé aux premières séances collectives de travail avec pas mal de matière écrite – scènes plus ou moins abouties, réalistes ou allégoriques, trames, parcours de personnages… – qui ne répondait qu’en partie à leurs attentes. Comme je souhaitais partir aussi de leurs désirs et de leurs réactions, je leur ai proposé de travailler sur la représentation du pouvoir, et plus précisément de jouer autour de la question : pourquoi accepter l’inacceptable ?, et d’y répondre sous forme d’improvisations à partir de situations précises ou, au contraire, très ouvertes et inventées par eux. J’ai pris beaucoup de notes et, riche de cette matière textuelle, j’ai commencé à sélectionner, développer, ordonner ce qui me paraissait le plus évident et le plus inattendu pour en faire théâtre, le tout mêlé à des parties déjà proposées au tout début de notre collaboration. Une matière brute qui, en la sculptant, laissait deviner des liens à tisser entre des destins au départ isolés les uns des autres, des personnages qui se débattent, pris dans l’engrenage du travail, de la famille, du couple… Des histoires ont alors commencé à apparaître, en même temps qu’une forme, un mouvement général, toujours tendu vers l’avant, une sorte de piège rythmique qui entraîne les protagonistes toujours plus loin et plus profond dans les filets de la servitude participative. Finalement, l’œuvre sera constituée de 36 scènes, réparties en sept mouvements, avec 36 personnages, qu’interpréteront les neuf comédiens de la troupe. Écrire pour autant d’acteurs, c’est un privilège rare aujourd’hui, qui offre au dramaturge beaucoup de possibilités ! Boxon(s) est le fruit de celles-ci. 


Boxon(s) par Fafiole Palassio (metteuse en scène)

Juillet 2017. Première lecture. Première découverte. Boxon(s) jusqu’à n’en plus pouvoir de Stéphane Jaubertie. Pièce en sept « mouvements ». « Mouvements » ? Déjà un indice de départ… À l’intérieur de ces mouvements, des scènes : nos impros récrites et les premiers jets de Stéphane, retouchés, comme des fragments. Sans liens apparents. Du moins pas tout de suite. D’emblée on sent qu’il y a à faire avec le rythme, la syncope, la rupture. Comment est-ce qu’on monte ça ? Chaque scène plante une situation dont on saisit l’action en cours. Pas d’exposition, pas de préalable. Mieux que des fragments : des rounds. Il va falloir tomber dedans comme on grimpe sur le ring, déjà chaud. Assez vite pourtant, les vignettes se construisent en plusieurs trajectoires. Combats ordinaires qui feront sens dans le grand ballet de nos « servitudes participatives », thématique centrale de nos recherches et de cette écriture. En une série de situations où l’emploi se pose comme condition inéluctable au bonheur, Boxon(s) sonde l’acceptation de l’inacceptable. Pièce chorale, rythmique, physique, elle s’agence telle une fuite en avant, précipitant les personnages dans leur quête de reconnaissance et l’oubli de soi, et les acteurs dans une course solidaire pour le passage de témoin de l’un à l’autre de ces fragments. Car on ne peut que faire groupe pour porter tout à la fois les individualités qui se racontent et ce mouvement d’ensemble implacable, cruel et drôle. Formidable mécanique, l’ensemble des dialogues attrape les acteurs par sa vivacité et ses tournures polysémiques. Vrillant parfois les situations jusqu’à l’absurde, on se surprend à rire. Malgré nous. On rit de cet humour inattendu, au pire moment qui soit, quand l’insolite vient percuter le drame courant. Sous le vernis de la langue, notre réalité sociale s’écrit au vitriol, jusqu’au climax d’une métaphore centrale, essentielle, libératrice – celle de la crevette suicidaire – qui vient à point nommé confirmer notre interrogation lancinante, dépassant même le texte en ce jour de première lecture : « Jusqu’où cela peut-il aller ? »


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