Biographie
Joël
Pommerat est né en 1963.
D’abord
comédien, Joël Pommerat s’engage dans l’écriture à 23
ans. En 1990, il fonde la Compagnie Louis Brouillard à l’occasion de sa première création, Le Chemin de Dakar. Parallèlement, Il s'engage personnellement à monter une
pièce par an pendant quarante ans et se promet d'embaucher à chaque
pièce les sept acteurs avec lesquels il travaille.
Les
spectacles suivants affinent son processus de travail: la mise
en scène et le texte s’élaborent en même temps pendant
les répétitions.
Avec
la trilogie Au monde (2004), D’une
seule main (2005) et Les Marchands (2006),
Joël Pommerat ancre plus directement ses pièces dans la
réalité contemporaine et l’interrogation de nos
représentations. Il aborde le réel dans ses multiples aspects,
matériels, concrets et imaginaires. Il réécrit et met en
scène trois contes, qu’il destine autant aux enfants
qu’aux adultes: Le Petit Chaperon rouge en
2004, Pinocchio en 2008 et Cendrillon en 2011.
En
2010, il présente Cercles/Fictions dans un
dispositif circulaire, qu’il explore à nouveau dans Ma
chambre froide l’année suivante. En 2013, il crée La
Réunification des deux Corées dans un dispositif bifrontal.
Joël Pommerat cherche à créer un théâtre visuel, à la fois
intime et spectaculaire. Avec sa pièce Ça ira (1) Fin de
Louis, Joël Pommerat obtient trois Molières en 2016, le Molière de
l’auteur francophone vivant, le Molière du metteur en scène d’un
spectacle de théâtre et Molière du théâtre public.
Tout
son théâtre est édité chez Actes Sud-Papiers.
Processus de création
Joël
Pommerat se définit comme un « écrivain de spectacle ».
Son processus de création remet en cause la tradition du théâtre
de texte en accordant une importante place au corps, au son, à la
lumière et à l'espace. Il développe un « théâtre total »
dans lequel textes, lumières, sons, musiques et costumes s’élaborent
quasiment dans le même temps, pendant les répétitions, en
collaboration avec l'équipe artistique. À partir d'un espace le
plus souvent vide, Joël Pommerat travaille à donner forme aux
images qu'il a en tête : il propose conjointement des
indications d'écriture scénique et textuelle.
Dans
ses différents livres, Théâtres en présence et Troubles,
Joël Pommerat expose sa technique de mise en scène. Si l'on pense
qu'il écrit à partir d'improvisations de ses comédiens parce qu'il
écrit au plateau, c'est faux. Il réécrit tout au long des
répétitions et demande à ses comédiens de réapprendre le texte
rapidement. Tout en collaborant avec eux, il reste le seul créateur.
Au
centre de cette recherche, l'acteur doit se défaire de ses habitudes
pour trouver l'authenticité de sa présence concrète et personnelle
en scène. C'est instant par instant, influencé par ces présences
en mouvement dans l'espace et la lumière, que Joël Pommerat conçoit
ses spectacles.
Ce
processus de création nécessite du temps : selon les
spectacles, les répétitions s’étendent sur des périodes de 3 à
6 mois.
L’écriture
théâtrale par
Joël Pommerat
Je
suis persuadé qu'on peut dire quelque chose d'actuel et brûlant de
nous et notre monde par le
théâtre.
Mais
je suis persuadé que ce qui se dit au théâtre se dit aussi dans la
forme et dans la manière de faire
le théâtre.
Rien
de plus politique que le style, le style de jeu d'un acteur pour
commencer, sa façon de jouer, et donc la façon de concevoir la
direction d'acteurs. Le texte, la phrase ne pèsent pas grand-chose
au théâtre, isolés de la question du jeu de l'acteur, la question
de l'interprétation.
Dans
la manière, dans la forme de ce qui est dit, au théâtre, quelque
chose est contenu, bien plus fort que dans les discours, les opinions
et autres dénonciations irréprochables : à bas la guerre, non à
l'argent, les autres ont tort, que meure la bêtise... C'est aussi
dans la quête de la forme que peut
se dégager au théâtre le sens dont nous avons besoin.
En
cela, je pense aussi qu'il est plus urgent de montrer que d'expliquer. Que c'est là, même, notre seul
et essentiel travail au théâtre : montrer, quoi montrer, comment
montrer. Et sans exclure le texte,
non, car la parole doit être montrée elle aussi.
Le
théâtre ne sert aucune cause, au contraire, pour moi il doit
empoisonner la réflexion et tenter de
nous faire sortir de nous-mêmes. En cela, peut-être, il est
politique.
Quand
j'écris, je vise quelque chose d'autre que l'anecdote.
Quand
nous travaillons, je dis souvent : "Non, ça, ça ne m'intéresse
pas, c'est anecdotique", anecdotique, cela veut dire pour moi
qu'il n'y a rien d'autre derrière la chose que le reflet
de la chose elle-même.
Les
choses qui m'intéressent valent pour ce qu'elles sont capables de
révéler d'autre, de différent, voire
de contraire, c'est leur profondeur qui m'intéresse. Je vise quelque
chose derrière l'action, les mots,
la situation. Quelque chose qu'on ne doit pas pouvoir désigner
simplement, quelque chose qui
doit apparaître, quelque chose qui doit s'immiscer, se glisser entre
les lignes des gestes
et
des phrases prononcées comme une réalité fantôme bien plus
présente, bien plus forte sous cette forme que si elle était
désignée par le texte ou par le jeu des interprètes, par leurs
intentions affirmées, soulignées.
Une
réalité fantôme comme ces membres fantômes, ces jambes ou ces
bras qui ont été amputés
et dont la présence continue à se faire ressentir.
Je
ne crois pas que le théâtre soit le lieu idéal d'expression des
bons sentiments.
Le
théâtre est un lieu possible d'interrogation et d'expérience de
l'humain.
Non
pas un lieu où nous allons chercher la confirmation de ce que nous
savons déjà mais un
lieu de possibles, et de remises en question de ce qui nous semble
acquis.
Un
lieu où nous n'avons pas peur de nous faire mal, puisque ce lieu est
un lieu de simulacre et
que les blessures que nous allons nous faire n'ont rien de commun
avec celles que nous pourrions subir dans la vie qui n'est pas
théâtre.
Il
ne faut jamais confondre l'art et la vie.
Quand
je travaille je cherche à replacer le spectateur dans un temps
précis, concret.
Un
temps qui puisse rassembler spectateurs et acteurs dans un lieu
donné.
Un
temps capable de relier fortement des êtres les uns aux autres, par
exemple : comme un groupe de personnes face à un danger commun.
Et
c'est cela que j'appelle "le rapport au réel" dans mon
travail : la recherche d'un rapport au temps réel, au temps présent,
à l'instant. D'où découle un rapport à l'espace réel qui est
l'espace commun de l'acteur et du spectateur.
Je
cherche à rendre l'intensité du temps qui passe, seconde après
seconde, comme aux moments de notre vie les plus essentiels, pendant
une expérience qui nous confronte à nous mêmes, au plus profond.
En
même temps, je choisis des situations ordinaires, et je cherche à
l'intérieur de ce cadre ordinaire la tension la plus forte,
l'intensité la plus grande.
Source
: Théâtres en présence, Joël Pommerat, Actes Sud papier, pp.25 à
28.
Ce
processus de création nécessite du temps : selon les
spectacles, les répétitions s’étendent sur des périodes de 3 à
6 mois.
L’écriture
théâtrale par
Joël Pommerat
Je
suis persuadé qu'on peut dire quelque chose d'actuel et brûlant de
nous et notre monde par le
théâtre.
Mais
je suis persuadé que ce qui se dit au théâtre se dit aussi dans la
forme et dans la manière de faire
le théâtre.
Rien
de plus politique que le style, le style de jeu d'un acteur pour
commencer, sa façon de jouer, et donc la façon de concevoir la
direction d'acteurs. Le texte, la phrase ne pèsent pas grand-chose
au théâtre, isolés de la question du jeu de l'acteur, la question
de l'interprétation.
Dans
la manière, dans la forme de ce qui est dit, au théâtre, quelque
chose est contenu, bien plus fort que dans les discours, les opinions
et autres dénonciations irréprochables : à bas la guerre, non à
l'argent, les autres ont tort, que meure la bêtise... C'est aussi
dans la quête de la forme que peut
se dégager au théâtre le sens dont nous avons besoin.
En
cela, je pense aussi qu'il est plus urgent de montrer que d'expliquer. Que c'est là, même, notre seul
et essentiel travail au théâtre : montrer, quoi montrer, comment
montrer. Et sans exclure le texte,
non, car la parole doit être montrée elle aussi.
Le
théâtre ne sert aucune cause, au contraire, pour moi il doit
empoisonner la réflexion et tenter de
nous faire sortir de nous-mêmes. En cela, peut-être, il est
politique.
Quand
j'écris, je vise quelque chose d'autre que l'anecdote.
Quand
nous travaillons, je dis souvent : "Non, ça, ça ne m'intéresse
pas, c'est anecdotique", anecdotique, cela veut dire pour moi
qu'il n'y a rien d'autre derrière la chose que le reflet
de la chose elle-même.
Les
choses qui m'intéressent valent pour ce qu'elles sont capables de
révéler d'autre, de différent, voire
de contraire, c'est leur profondeur qui m'intéresse. Je vise quelque
chose derrière l'action, les mots,
la situation. Quelque chose qu'on ne doit pas pouvoir désigner
simplement, quelque chose qui
doit apparaître, quelque chose qui doit s'immiscer, se glisser entre
les lignes des gestes
et
des phrases prononcées comme une réalité fantôme bien plus
présente, bien plus forte sous cette forme que si elle était
désignée par le texte ou par le jeu des interprètes, par leurs
intentions affirmées, soulignées.
Une
réalité fantôme comme ces membres fantômes, ces jambes ou ces
bras qui ont été amputés
et dont la présence continue à se faire ressentir.
Je
ne crois pas que le théâtre soit le lieu idéal d'expression des
bons sentiments.
Le
théâtre est un lieu possible d'interrogation et d'expérience de
l'humain.
Non
pas un lieu où nous allons chercher la confirmation de ce que nous
savons déjà mais un
lieu de possibles, et de remises en question de ce qui nous semble
acquis.
Un
lieu où nous n'avons pas peur de nous faire mal, puisque ce lieu est
un lieu de simulacre et
que les blessures que nous allons nous faire n'ont rien de commun
avec celles que nous pourrions subir dans la vie qui n'est pas
théâtre.
Il
ne faut jamais confondre l'art et la vie.
Quand
je travaille je cherche à replacer le spectateur dans un temps
précis, concret.
Un
temps qui puisse rassembler spectateurs et acteurs dans un lieu
donné.
Un
temps capable de relier fortement des êtres les uns aux autres, par
exemple : comme un groupe de personnes face à un danger commun.
Et
c'est cela que j'appelle "le rapport au réel" dans mon
travail : la recherche d'un rapport au temps réel, au temps présent,
à l'instant. D'où découle un rapport à l'espace réel qui est
l'espace commun de l'acteur et du spectateur.
Je
cherche à rendre l'intensité du temps qui passe, seconde après
seconde, comme aux moments de notre vie les plus essentiels, pendant
une expérience qui nous confronte à nous mêmes, au plus profond.
En
même temps, je choisis des situations ordinaires, et je cherche à
l'intérieur de ce cadre ordinaire la tension la plus forte,
l'intensité la plus grande.
Source
: Théâtres en présence, Joël Pommerat, Actes Sud papier, pp.25 à
28.
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