07/02/2016

Building et le monde du travail


Building est une pièce d’une inventivité réjouissante sur le monde du travail, qui nous plonge sans détour dans un réalisme implacable.

Dans une étude de l’Insee menée auprès de 6000 personnes, le travail arrive en deuxième position comme condition du bonheur. Paradoxe troublant : on voit apparaître dans l’entreprise d’aujourd’hui, un durcissement des méthodes managériales et des pratiques insanes (la déstabilisation psychologique, la menace à l’évaluation, le chantage au licenciement, les conduites déloyales) qui instaurent la peur, l’humiliation et la frustration. Alors que nous sommes de plus en plus performants, le monde du travail se déshumanise et entraîne de plus en plus de souffrances insurmontables.
Selon la metteuse en scène Catherine Schaub, Building montre le quotidien d’une entreprise où la tension monte petit à petit jusqu’à l’étouffement.
« Quand Léonore Confino m’a fait lire Building, j’ai été enthousiasmée par le sujet, l’efficacité incisive de son écriture, l’originalité de la construction dramatique, la juste vision de ces personnages et de leur névroses. Et je me suis sentie en accord immédiat avec cet univers ludique, acide et poétique. Dans ma mise en scène, les 36 personnages de la pièce étaient interprétés par cinq comédiens, vêtus en tailleur et en costumes : trois hommes et deux femmes qui endossaient plusieurs rôles en changeant un détail, une paire de chaussures, des lunettes, un foulard, l’identité profonde s’effaçant sous la fonction et l’uniforme. La mise en scène a tenu compte de la chronologie d’une journée de travail : le parking à 8 heures, puis une scène par étage jusqu’au sommet du building, à 20 heures. Un tour de cadran qu’on ne peut arrêter, une ascension vers la catastrophe. Plus on se hisse, plus les personnages étouffent sous la pression sociale : leurs rêves s’étriquent, le langage se mécanise…à en devenir fou. » (Catherine Schaub) 
Building a été créé à une période où l’actualité autour du travail était forte, avec notamment les suicides à France Telecom. Pour Léonore Confino le théâtre est un « point de vue sur la réalité », héritage de ses études en cinéma documentaire – qu’elle n’a jamais vraiment pratiqué.
Building a aussi été inspiré par plusieurs expériences de Léonore Confino avec le monde du travail. La position d’hôtesse, notamment, l’a marquée : « on te briefe sur ton maquillage, ta coiffure, on est tellement contrainte par son costume qu’on ne s’en rend même plus compte ». Elle a aussi observé l’entreprise de l’extérieur grâce notamment à ses interventions avec la LIFI – la Ligue d’improvisation française, où elle a fait ses débuts. « Une fois, un homme s’est évanoui pendant un exercice de respiration tellement il n’avait pas l’habitude », raconte la comédienne. Une autre fois, c’est une discussion surprise entre des cadres aux costumes rigoureusement identiques : « Ils parlaient de leurs adolescents et se plaignaient de leur conformisme, de leur besoin d’avoir tous les mêmes vêtements ! », s’amuse-t-elle.
A la déception de Léonore Confino, la pièce a été peu jouée en entreprise. Mais elle a rencontré son public. « Les gens viennent souvent me voir après les spectacles. Une fois, une jeune femme est venue me parler à la fin d’une autre pièce, elle m’a dit : entre Building et maintenant, j’ai démissionné. » Le spectacle a aussi été joué dans des lycées : « Ensuite les adolescents voient leurs parents autrement, ils comprennent pourquoi ils sont crevés et sur les nerfs le soir. »

Une trilogie sur la vie quotidienne
Building fait partie d’une trilogie en collaboration avec Catherine Schaub : l’ensemble se compose de Ring, sur le couple, et de Les uns sur les autres, sur la famille. « Quand on demande des nouvelles à quelqu’un c’est : ‘et le travail ? Et les amours ? Et la famille ?’ Donc j’avais envie de parler de ces sujets là. » Ces trois spectacles ont aussi le point commun d’être nerveux, oscillant entre le rire et le drame. Enfin, ils comprennent tous une intrusion de l’absurde ou du fantastique : dans Building ce sont les pigeons qui s’écrasent contre les vitres, dans Les uns et les autres l’adolescente anorexique qui maigrit tant qu’elle en devient transparente.
Building a été créé à une période où l’actualité autour du travail était forte, avec notamment les suicides à France Telecom. Pour Léonore Confino le théâtre est un « point de vue sur la réalité », héritage de ses études en cinéma documentaire – qu’elle n’a jamais vraiment pratiqué. 

Aucun commentaire: