Building est une pièce d’une inventivité réjouissante sur le monde du travail, qui nous plonge sans détour dans un réalisme implacable.
Dans une étude de l’Insee menée auprès de 6000 personnes, le travail arrive en deuxième position comme condition du bonheur. Paradoxe troublant : on voit apparaître dans l’entreprise d’aujourd’hui, un durcissement des méthodes managériales et des pratiques insanes (la déstabilisation psychologique, la menace à l’évaluation, le chantage au licenciement, les conduites déloyales) qui instaurent la peur, l’humiliation et la frustration. Alors que nous sommes de plus en plus performants, le monde du travail se déshumanise et entraîne de plus en plus de souffrances insurmontables.
Selon
la metteuse en scène Catherine Schaub, Building
montre le quotidien d’une entreprise où la tension monte petit à
petit jusqu’à l’étouffement.
« Quand
Léonore Confino m’a fait lire Building,
j’ai été enthousiasmée par le sujet, l’efficacité incisive de
son écriture, l’originalité de la construction dramatique, la
juste vision de ces personnages et de leur névroses. Et je me suis
sentie en accord immédiat avec cet univers ludique, acide et
poétique. Dans ma mise en scène, les 36 personnages de la pièce
étaient interprétés par cinq comédiens, vêtus en tailleur et en
costumes : trois hommes et deux femmes qui endossaient plusieurs
rôles en changeant un détail, une paire de chaussures, des
lunettes, un foulard, l’identité profonde s’effaçant sous la
fonction et l’uniforme. La mise en scène a tenu compte de la
chronologie d’une journée de travail : le parking à 8 heures,
puis une scène par étage jusqu’au sommet du building, à 20
heures. Un tour de cadran qu’on ne peut arrêter, une ascension
vers la catastrophe. Plus on se hisse, plus les personnages étouffent
sous la pression sociale : leurs rêves s’étriquent, le langage se
mécanise…à en devenir fou. » (Catherine Schaub)
Building a
été créé à une période où l’actualité autour du travail
était forte, avec notamment les suicides à France Telecom. Pour
Léonore Confino le théâtre est un « point de vue sur la
réalité », héritage de ses études en cinéma documentaire –
qu’elle n’a jamais vraiment pratiqué.
Building a
aussi été inspiré par plusieurs expériences de Léonore Confino
avec le monde du travail. La position d’hôtesse, notamment, l’a
marquée : « on te briefe sur ton maquillage, ta coiffure,
on est tellement contrainte par son costume qu’on ne s’en rend
même plus compte ». Elle a aussi observé l’entreprise de
l’extérieur grâce notamment à ses interventions avec la
LIFI – la Ligue d’improvisation française, où elle a fait
ses débuts. « Une fois, un homme s’est évanoui pendant un
exercice de respiration tellement il n’avait pas l’habitude »,
raconte la comédienne. Une autre fois, c’est une discussion
surprise entre des cadres aux costumes rigoureusement identiques :
« Ils parlaient de leurs adolescents et se plaignaient de leur
conformisme, de leur besoin d’avoir tous les mêmes vêtements ! »,
s’amuse-t-elle.
A
la déception de Léonore Confino, la pièce a été peu jouée en
entreprise. Mais elle a rencontré son public. « Les gens
viennent souvent me voir après les spectacles. Une fois, une jeune
femme est venue me parler à la fin d’une autre pièce, elle m’a
dit : entre Building et maintenant, j’ai
démissionné. » Le spectacle a aussi été joué dans des
lycées : « Ensuite les adolescents voient leurs parents
autrement, ils comprennent pourquoi ils sont crevés et sur les nerfs
le soir. »
Building
fait partie d’une trilogie en collaboration avec Catherine Schaub :
l’ensemble se compose de Ring, sur le couple, et de Les
uns sur les autres, sur la famille. « Quand on demande des
nouvelles à quelqu’un c’est : ‘et le travail ? Et
les amours ? Et la famille ?’ Donc j’avais envie de
parler de ces sujets là. » Ces trois spectacles ont aussi le
point commun d’être nerveux, oscillant entre le rire et le drame.
Enfin, ils comprennent tous une intrusion de l’absurde ou du
fantastique : dans Building ce sont les pigeons
qui s’écrasent contre les vitres, dans Les uns et les autres
l’adolescente anorexique qui maigrit tant qu’elle en devient
transparente.
Building a
été créé à une période où l’actualité autour du travail
était forte, avec notamment les suicides à France Telecom. Pour
Léonore Confino le théâtre est un « point de vue sur la
réalité », héritage de ses études en cinéma documentaire –
qu’elle n’a jamais vraiment pratiqué.
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