11/02/2014

Chroniques des jours entiers, des nuits entières

Xavier Durringer est né à Paris en 1963. IL dirige une compagnie de théâtre, « La Lézarde », pour laquelle il écrit et met en scène des spectacles. Il écrit et réalise également pour le cinéma et la télévision.

A propos des "CHRONIQUES", il dit:
 « Ce sont des bouts de texte, des pensées, de petits dialogues, des saynètes, des débuts de choses, des fragments d’histoire.
De petits événements croqués à chaud comme des instantanés, de petits Polaroïds.
Ce n’est pas un montage, dans un ordre d’histoire, chaque texte peut être pris à part, sorti du contexte, ce n’est pas une pièce. C’est un matériau à jouer, des confrontations pour les acteurs, à se dire, à balancer contre le mur, sans fleurs, ni fards, des histoires d’amours, de thunes, des trucs classiques - quoi, de la vie de tous les jours, qui sont ici concentrés.

Ce sont des bribes, de petites coupures, des voix qui éclatent doucement, les voix de tout le monde et de personne, du sourire caché à la violence de jours entiers, de nuits entières. »

Extraits trouvés sur Internet :

Il y a comme ça des artistes qui, sans faire beaucoup de bruit, sans aucun fracas médiatique, se font une place dont on pressent immédiatement qu'elle va prendre de l'ampleur avec le temps. Xavier Durringer m'a fait cet effet. 
Après avoir écouté la lecture d'un passage de "Chroniques des jours entiers, des nuits entières", j'étais résolue à me le procurer. Il s'agit en fait d'un ouvrage en deux tomes, qui n'est, pour reprendre les mots de la quatrième de couverture du tome 2 "pas une pièce de théâtre; ce sont des textes, des monologues, des histoires, des confrontations, des petites scènes dialoguées à deux, des fragments à dire, à jouer. Un peu comme les riffs d'une partition musicale...(...)Des états, des attitudes, des émotions."
Je n'ai pas grand chose à ajouter parce que c'est un ouvrage à ce point atypique qu'on ne peut se figurer ce qu'il est qu'en le parcourant à son tour. Pas de mise en situation, pas d'avant, pas d'après, rien que du présent. Juste des mots échangés, des émotions qui passent, des instants fugaces. Seulement des morceaux de vie couchés sur le papier, qui ne cherchent pas à enluminer la réalité, qui font vivre le temps de quelques lignes ou de quelques pages tout au plus des personnages qui peuvent nous sembler familiers. Ou pas.
Novateur dans le style.
Avant  de livrer ici une petite sélection de passages tirés des deux tomes je reprends  les mots couchés au dos du tome 1 : "Du sourire caché à la violence des jours entiers, de nuits entières", Xavier Durringer, avec les mots de tous les jours, invente un théâtre résolument contemporain.



Je cherchais un monologue à apprendre pour un essai caméra. Je cherchais un texte qui pouvait m’atteindre au plus profond de moi-même. Je ne trouvais pas, j’étais désespérée de ne pas trouver de texte me correspondant. Un soir, je vais boire un verre chez M puis je trouve ce livre sur la table. Je lui demande de quoi il s’agit et je sais que M a de bons goûts. Elle me dit que c’est à son mec. Puis elle se met à me jouer un texte d’une façon super désinvolte disant qu’elle n’arrive pas à jouer. Tu parles ! Puis après ça je lis les monologues et ça m’inspire tellement que j’ai envie d’en parler et de les citer ici ! 
"J’ai le type même d’une fille sans type.
On se retourne pas sur moi.
On me dit souvent que je ressemble à quelqu’un.
J’ai un prénom commun et personne ne s’en rappelle jamais, SYLVIE, dîtes Sylvie pour voir, Sylvie, Syl-vie, plusieurs fois, faut que ça rentre ! Sylvie, c’est pas dur putain à se souvenir merde, en plus j’arrête pas de faire des efforts, je m’épile à la cire, les aisselles, les sourcils, les poils sur les seins et alors là, bonjour, faut essayer, une fois pour essayer. J’achète des crèmes et tout, des rouges à lèvres pour agrandir la bouche, des soutifs à balconnets pour faire ressortir les seins, des piqûres pour rentrer les fesses, mais rien n’y fait, Sylvie, on retient pas, je fais des régimes draconiens mais tout me profite à moi, une pomme, un pépin de raisin et j’enfle, même le sport à moi ça me fait gonfler, je gonfle, je vous jure, je gonfle, j’en peux plus.
SYLVIE MERDE!"  


Monologues épars, fragments d'insomnie, dialogues ordinaires, aphorismes, bouts d'histoires, "dix ans de tiroirs(...) comme des instantanés, des petits polaroïds". Ecrites au féminin ou au masculin, au singulier ou au duel, ces Chroniques, des jours entiers, des nuits entières de Xavier Durringer esquissent au fond toujours la même histoire, l'éternelle quête des filles et des garçons. Des histoires de fesses et d'amour -manqué ou introuvable, forcément. Les petites déprimes, les embrouilles, la peur et la grande solitude qui habitaient déjà ses précédentes pièces.
Ici l'on se manque, on se cherche, on se sépare, on s'espère mais l'on est rarement ensemble et même quand il y a couple, c'est dans une totale incompréhension, souvent dans la suspicion. Ici pas de partage, on ne se rejoint jamais et l'addition de toutes ces solitudes n'aboutit jamais à la communauté.
Il y a Sylvie qui a "le type même d'une fille sans type". Les combines foireuses d'Akim, "Y faut qu'on se fasse le paquet épais qui tient pas dans la poche(...). Avec de l'argent, on présente mieux tout de suite (...) et tout s'ouvre après, ton banquier change de cravate pour te recevoir, le monde s'ouvre, les yeux des filles s'ouvrent". Et le désespoir d'une boulimique suicidaire "je pourrais m'allonger tranquille, étendre mes grosses jambes, me mettre sur le côté, je ferais comme une femme fatiguée, je ferais et je mangerais des tablettes et des tablettes de petites pastilles de toutes les couleurs, bleues, je fermerais les yeux et j'oublierais comment je m'appelle et comment j'étais tout en fermant les yeux et je mourirais, donc, je mourirais".
S'il y a parfois des suites, des personnages qui se croisent, il n'y a pas ici d'ordre de montage. Chaque texte est à prendre séparément comme des morceaux d'improvisation, des exercices d'école. "C'est un matériau à jouer, des confrontations pour les acteurs, à se dire, à se balancer contre le mur, sans fleurs, ni fards (...). Chaque texte apporte sa propre fin. On pourrait les mélanger comme un jeu de cartes", prévient l'auteur en préambule.
Naïve et poétique, tendre et drôle, vulgaire aussi, la langue de Xavier Durringer est celle de la rue, du quotidien, comme saisie dans son expression la plus spontanée dans des lieux publics ou griffonnée dans un petit carnet de notes, sur le coin d'une table de café. Du langage brut, une "poésie de la rue" mais sans artifices, sans effets de mode. Un indéfectible accent Paris-banlieue, attrapé sans doute alors qu'il roulait sa bosse d'acteur, il y a près de quinze ans, dans les bistrots de quartiers, les boîtes de nuit et les salles des fêtes. On n'imagine d'ailleurs pas de meilleurs endroits pour l'y loger. Tant il semble bien que le théâtre de ce jeune écrivain et metteur en scène de 33 ans réside là, dans ce pathétique du banal, dans ces petites souffrances ordinaires et dérisoires, ces questions sans réponses qui n'en finissent pas de se répéter, de lanciner. Des petits riens en somme, qui touchent au moment où on s'y attend le moins. Et qui finalement sont beaucoup tant ils fourmillent d'humanité.
Maïa Bouteiller
Le Matricule des Anges http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=3027


Lecture de passages de "Chroniques des jours entiers des nuits entières" sur le site "Le Frigo" http://www.lefrigo.fr/webradio/emissions/theatrealaplancha/





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